Février, c’est le mois des reçus
fiscaux de dons qui nous permettront de diminuer nos impôts. En les rangeant, plusieurs
questions me viennent.
Donner
Ces dons que représentent-ils pour moi ?
Un quitus moral (j’ai fait
ma part) assorti du soupçon d’orgueil (avoir le pouvoir de donner) et d’un brin de dédain
(que feraient-ils sans moi ?). Bien
sûr, la réflexion me permet de dépasser cette étape. Car la charité [ ] ne
plastronne pas, elle ne s’enfle pas d’orgueil, [ ] elle ne cherche pas son
intérêt [ ]mais elle trouve sa joie dans la vérité (Co 13, 1-7. 13).
Je sais bien que ces dons
qui m’exonèrent d’une part de mes impôts, ne m’exonèrent pas de l’amour source
de la charité.
C’est en revenant à la
source, que le don prend son sens en vérité.
- La charité du Seigneur est
sans bornes. Lorsque je donne, je ne suis que l’instrument de cette charité
universelle. Je n’en fais donc jamais assez
et je n’ai pas à en tirer orgueil.
- Mon droit de propriété n’a
de sens que s’il est assorti de la prise de conscience de la destination universelle
des biens. En donnant, j’exerce ma
responsabilité sur ce point.
La charité n’est-elle que dons matériels ?
La charité est bien plus, «Instruire,
conseiller, consoler, conforter sont des œuvres de miséricorde spirituelle,
comme pardonner et supporter avec patience» (CEC, 2447). La charité dépasse
largement le don matériel aux plus pauvres, Près de l’autre, il me faut l’aider
à se relever lui-même, l’accompagner
sans l’écraser, le soutenir sans le porter. La charité, c’est vouloir le bien
de l’autre et le bien dépasse largement l’aspect purement matériel. La charité
s’exerce auprès des pauvres, et ne sommes-nous pas tous pauvres ?
Recevoir
Suis-je prête à recevoir la charité ?
Il est plus facile de faire
la charité que de l'accepter.
Il est finalement assez confortable de faire
la charité même dans ses aspects les plus exigeants c’est-à-dire en dépassant l’aspect
distributif.
Mais est-on prêt à la
recevoir ? Recevoir la miséricorde divine, la charité divine est en fait
assez simple intellectuellement. Mais accepter que celle-ci passe par les
gestes charitables de mes prochains à mon égard, c’est une autre paire de
manches. Cette question, je me la suis posé pour les pauvres. Recevoir la
charité peut être ressenti comme une humiliation pour eux. Mais finalement, n’ai-je
pas moi aussi ce reflexe.
Lorsque je suis malade,
recevoir une aide gratuite de mes voisins ou même de ma famille ne m’est pas facile.
Bien souvent, je préfère une aide payée qui me dédouane du sentiment de dette. Je
pense aussi à ces parents vieillissants qui ne veulent pas être à la charge de
leur famille. Quel est le sens de leur démarche. Pourquoi préfèrent –ils des aides payantes et subventionnées
que l’aide de leur famille ?. Peut-être ont-ils peur de recevoir une fin
de non-recevoir s’ils demandent à leurs enfants. Certains enfants n’ont certes
pas les capacités en finance et en temps pour aider leurs parents mais d’autres
le peuvent. Peut-être, trouvent ils
humiliant de recevoir de l’aide de ceux qu’ils ont, eux même aidé pendant tant
d’années.
Peut-être simplement, a-t-on
perdu la notion du don gratuit qui n’entraine aucune dette parce qu’il est
amour.
Gratuitement
Dans nos sociétés occidentales,
tout acte à sa contrepartie financière immédiate, y compris la charité (cf. les
dons défiscalisés) Tout chose reçue sans contrepartie est une dette. Et
pourtant …
Je me rappelle avoir croisé
un paysan sur la route de Saint Jacques. Je m’étais perdu. Il avait arrêté son tracteur, traversé son champ pour m’indiquer
la bonne route. Quand j’avais voulu le remercier, il m’avait répondu : « Ça sert à quoi d’être
sur terre si on n’aide pas les autres ». J’avais repris ma marche en méditant
ses paroles. Et par la suite, j’ai bien souvent répété moi aussi cette parole établissant
ainsi une chaine de charité gratuite et universelle.
Oui j’accepte la charité des
autres car demain je pourrais la donner à mon tour. Oui je fais la charité car
demain, je pourrais la recevoir à mon tour.
Nous avons tous besoin de
charité, riches ou pauvres parce que nous avons tous besoin d’amour. Cet
Amour qui s’incarne dans l’autre pour qu’il me donne et en moi
pour que je donne gratuitement des gestes d’amour.